Nous retrouvons à nouveau les souvenirs de M. Coulon à Remilly.
LES FRERE, FRERE ET SŒUR
Les vacances que nous passions à Remilly étaient l’occasion de rencontres et nous étions toujours intrigués par nos voisins, monsieur et madame Frere.
Comme leur nom l’indique, ils étaient frère et sœur. Ils vivaient ensemble à Remilly. Tous deux étaient célibataires.
Dans mon souvenir, elle était assez forte, lui à son inverse, pas très grand, un peu maigrelet même , l’été il portait une espèce de casque colonial en paille que je trouvais du dernier chic. Dans son jardin, son chapeau sur la tête, un long tablier en toile bleu descendant jusqu’aux chevilles, le sécateur à la main il surveillait tous les jours ses dahlias. On aurait dit le professeur Tournesol !
Un noisetier avait eu l’idée saugrenue de pousser à la limite des deux propriétés, les racines et le tronc chez nous, les branches chez eux. Les jardins étaient délimités par une restanque de plus d’un mètre surmontée d’un grillage. De notre côté les fruits étaient inaccessibles sauf à monter dans l’arbre. Bien sur nous y grimpions pour faire notre récolte dès que les Frere avaient le dos tourné. Quand monsieur Frere faisait le tour de son jardin et allait voir son arbre, toutes les branches hautes avaient été nettoyées et il ne pouvait s’empêcher de râler.
Parfois, il se laissait aller à quelques confidences. Il était peu bavard sur sa vie mais cependant je crois me souvenir qu’il travaillait à Gaz de France.
Pour nous, enfants, c’était un personnage étrange. C’était un « meumeu » ! « Meumeu » d’un des premiers timbres anglais émis et il en possédait peut-être mille ou deux mille exemplaires. Tout ce qui avait pu se faire, toutes les couleurs, les variétés, les erreurs, les différences de marges. Ii avait tout !
C’était « monsieur un penny » et tout le monde le connaissait pour cela dans le milieu de la philatélie.
Monsieur Frere devait habiter le centre de Paris, rive gauche. Il m’avait raconté qu’un matin, en allant à pied à son travail, il avait vu dans la vitrine d’une galerie de peinture un petit portrait de Coco, le fils de Renoir. Le tableau lui avait plu, le prix raisonnable, il était reparti la toile sous le bras. Avec mon cousin Daniel, chaque année nous faisions des pieds et des mains pour que de retour à PARIS il nous montre son cher tableau. Nous ne l’avons jamais vu.
Monsieur Frere devait avoir eu certains moyens car dans son garage, au fond du jardin, il avait remisé une vieille voiture d’avant guerre. Je crois une vieille et imposante Peugeot. (J’ai vérifié c’était bien une 301 de 1932, 33 chevaux pour une vitesse de pointe de 90km/h).
Nous lui cassions régulièrement les pieds pour qu’il nous laisse faire un tour au garage. La voiture était imposante, et il s’en dégageait une odeur indéfinissable de poussière qui avait fini par imprégner les sièges en velours. Nous essayions de la faire démarrer, nous n’y sommes jamais parvenus.
Il racontait que quelques années auparavant, il avait fait redémarrer la voiture et avait été faire des courses à Sombernon.
Il m’avait raconté également qu’une année, ils étaient descendu pour les vacances de Pâques. Un orage terrible s’était abattu sur Remilly. La foudre était tombée sur le paratonnerre de l’église toute proche de sa maison et il avait vu une boule de feu descendre par la cheminée, traverser la pièce où il se tenait puis ressortir par la fenêtre qui heureusement était ouverte. La cheminée tirait mal !
Le professeur Tournesol (Voir « Les sept boules de cristal »)