Pascale Ducamin avait écrit dans la Sirène 39 de septembre 2011. Voici son article.

Ah les places du sud et leurs platanes qui protègent de leur ombre bienveillante les terrasses brûlantes et pastisées des fins de journée… Une incitation au farniente, à l’indolence ou encore à la pétanque dont le comptage des points importe moins que l’accent qui les énonce… « Oh putain tu tires ou tu pointes ?!?! ». Mais revenons à nos moutons, ceux- là même qui bêlent en fond d’écran sonore de la nôtre à nous de place. Ici pas d’élément feuillu en vue ni de jeu quasi institutionnel (hormis un lancer annuel d’objets improbables), mais un lieu de circulation, de passage utile ou vital.

Première en poste peu après l’aube, Yvonne, dont l’horloge interne ne tombe jamais en panne quelle que soit la saison. Puis les premiers à traverser le centre névralgique sont les travailleurs du quartier est, plutôt de bonne heure d’ailleurs. Incroyable le nombre d’automobiles qui déboulent dans ce sens-là, cvoitu quoi déjà ? Bon d’accord, le transport a ses raisons que la raison ignore… Suivent les enfants lourdement chargés de cartables-sacs à dos, le savoir et la connaissance ça pèse lourd c’est bien connu. Leurs mines ensommeillées indiquent que le pilote automatique les amenant vers le car scolaire est assez fiable, et il est important à cet instant de les encourager à incarner l’avenir de l’humanité. Que de responsabilités sur de si petites épaules… Parallèlement, le ballet des tracteurs et autres machines agricoles a commencé tandis que quelques canards, chiens et chats reniflent l’ambiance du jour tout en entreprenant une toilette impudique au beau milieu des engins. Un peu plus tard quelques dames du village discutent en allant chercher leurs œufs au 14 de la « grande » rue et repartent avec leur boîte à 6 places et une recette sans cesse renouvelée en tête pour les enfants et petits-enfants qui vont arriver. Tiens voici Monsieur le Maire qui vient relever le courrier et régler quelques affaires courantes, mais le temps de le dire et il vole déjà vers d’autres tâches. Se présente alors un poids lourd, hyper lourd même, dont le gros nez débouchant sur la place sent très vite à quel point il sera difficile d’envisager un demi- tour et se résigne à grimper la côte pour en redescendre en marche arrière. Image plus incongrue et sympathique lorsqu’il s’agit d’un long bateau de plaisance en sortie dominicale… Dans la catégorie véhicules plus légers arrive maintenant Jean- Paul sur sa bécane flamboyante, casqué et droit comme un I, en plein élan pour filer à Sombernon acheter ses clopes et boire un p’tit café. Il salue dans un hochement de tête solennel dont on devine qu’il est destiné à ne pas se laisser déconcentrer. Tout au long de la journée et entre deux dodos plus ou moins réglés, un nombre significatif de poussettes traversent sereinement la zone centrale et les petits bouts confortablement installés dans leur mini ber- line écarquillent leurs yeux tout neufs sur les choses énormes et les gens immenses croisés en chemin. Mais l’après-midi de la place reste généralement limité aux transports agricoles divers, jusqu’au moment où l’avenir de l’humanité passe en sens inverse, réveillé cette fois mais fatigué par la lourdeur du savoir et de la connaissance. Une fois débarrassés de la chose qui tord le dos, les représentants du futur ont enfourché leur vélo et se défoulent un bon coup, s’attirant parfois quelques soufflantes mais obtempérant gentiment toutes les fois. Débute ensuite la série du retour-au-bercail-après-le- boulot, plus rapide que celle du ma- tin ou est-ce une impression ?! Quel- queuns s’arrêtent pour deviser gaiement sur le bonheur que c’est de rentrer à la campagne au lieu de péter les plombs dans les embouteillages du Dijon tout tram. Les derniers à traverser la place sont les agriculteurs qui finissent bien tard, même les canards, chiens et chats qui ce matin … ont déjà retrouvé la paille chaude de la stabule et n’émettent plus aucun son, radio ferme ne diffusera plus avant demain matin. Dans ce mouvement quotidien qui anime notre place, reste que le record absolu du nombre de passages est détenu par Martine, avec une moyenne de 10 traversées par jour pouvant évoluer vers le double à la saison du jardin. N’oublions pas les inconnus de la nuit, vétérinaire en urgence, ramasseurs des ordures une nuit par semaine et fêtards occasionnels ou professionnels heureux de retrouver tant bien que mal le chemin de leur lit. Quelques randonneurs du dimanche, facilement identifiables grâce à leur équipement de … rando, s’arrêtent longuement pour causer vieilles pierres et se demander si par hasard cette mairie ne serait pas l’ancienne école… D’autres hésitent : c’est plutôt une oie, un canard ou une dinde là-bas ??? Des citadins sans aucun doute… Aucun autre lieu du village n’est aussi fréquenté que la place, elle en est bien le cœur, et si l’on en juge par le nombre de passages, cette petite commune est bien vivante.

 

Auteur : Pascale Ducamin 

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