Edith Hucherot (née Cornieau en 1929) a toujours vécu à Barbirey-sur-Ouche. Sa famille a  gardé et entretenu le château et le jardin pendant quatre générations. Son mari, Raymond, nous confie lui aussi ses souvenirs…

REMILLY :

« Si on n’avait pas été voir les g’nètes* tous les dimanches à Remilly, ça n’allait pas! », comme disait ma grand-mère. D’abord, on allait chez la Fernande pour lui dire bonjour, à l’entrée du village; après chez la Marie-Jeanne Orgelot; de l’autre côté il y avait le Valot, qui était peintre. Mon cousin s’était marié avec la fille Valot. Elle ne voulait pas que ses enfants s’appellent Cornieau, alors ils ont changé de nom, en Corineau et Carneau.

Après on tourne, il y a la petite rivière avec le charron dans sa forge, le maréchal, comment donc qu’il s’appelait ? C’était ouvert tout le temps quand on passait, comme ça sur la rue, il tapait sur son enclume, ça buvait des canons aussi ! Ensuite la Ninie à gauche après le pont, elle faisait épicerie et un peu buvette aussi.

Après on remonte: la bergerie de mon oncle Tène, avec mes cousines. On l’appelait Tène, mais il s’appelait Etienne. C’était le père d’Antoinette, Huguette, Suzanne, Françoise, Marie-Jeanne, Bernadette et Fernande. Moi j’allais vers elles, on tricotait toutes autour du poêle. On tricotait des pull-overs. Ma tante, elle avait le coup pour faire son biscuit de Savoie. Ça rigolait pas avec mon oncle Tène. C’était mon parrain. Il avait au moins une soixantaine de brebis, avec un berger.

Je me souviens, un jour je lui dis: « Ben mon vieux, on est pas trop bien sur le banc », « C’est pour ne pas rester si longtemps à table! », il disait comme ça…!

En face, il y avait l’ancien maire, la maison des Derepas.

La Bouère, c’était le surnom d’une Derepas. Mon papa voulait se marier avec! Mais je ne l’ai pas connue.**

Après on remontait chez mon grand-père, vers le cimetière là au-dessus. C’est là que restent l’Yvon et l’Yveline aujourd’hui, je suis donc leur cousine germaine. Mon grand-père, c’était Claude, et mon père, Raoul. Son frère Pierre, mon oncle, était donc le papa de Yvon et Yveline.

A Remilly, il y avait un café : chez les Mailly. C’était une montée d’escalier en remontant vers le bout du village. Je ne sais pas si ça existe encore. On allait même danser là-bas, il y avait le Després qui était tout le temps là, je me rappelle…

Mais je n’aimais pas rentrer le soir à la nuit, ça me faisait trop peur. On était en vélo, alors j’allais jusqu’aux grands sapins de Gissey, mais mon papa restait à causer avec le Mouillon à Agey!

Vous voyez où est le chemin de la Garenne ? Maintenant que le Lecour a tout relevé ça, peut-être que le chemin n’existe plus, je ne sais pas… on passait par là pour gagner Agey (je ne sais pas pourquoi on passait par là, c’était pas forcément plus court? C’était comme ça, papa, il passait par là). Quand on va à Ste Marie, à droite, il y a un petit chemin qui mène au Banet. A gauche, un petit bois, et le chemin passait là pour gagner Remilly.

Vous n’avez pas connu le Totor Mouillon? Quand il chantait La femme au bijoux, on savait qu’il avait bu un coup : « Ouh, le Totor ça y est, il est tordu! Il peut plus rentrer! ». Il était de toutes les noces de mes cousines (sauf la Nénette bien sûr, ni Huguette).

Le Lili aussi venait aux noces, je l’aimais bien.

L’ENFANCE :

Quand j’étais petite, ma grand-mère me disait: «Edith, prends l’arrosiâ pou aller checher dia». Ça veut dire : « Va me chercher de l’eau ! ». Ou avec les filles Deblic (les filles du propriétaire du château), elle me disait : «Fais attention: les filles Deblic te disent vous, alors ne les tutoie pas ! », c’est pour ça que je ne peux pas tutoyer les gens, c’est plus fort que moi. C’était deux mondes, on ne se côtoyait pas vraiment. Ma mère gagnait 5 francs par mois du temps du père Deblic. Elle gardait le château, et devait nettoyer l’escalier deux fois par jour! Quand ma grand-mère nous laissait pour aller l’aider, on était tout petits avec mon frère Robert, alors elle nous attachait sur notre petit lit pour qu’on ne bouge pas. Mais on arrivait à se détacher, et on descendait à quatre pattes. Mais on remontait avec une bonne fessée aussi!

On mangeait les légumes et les fruits du château, on avait quand même bien le droit de manger ce qu’on cultivait, hein. On ramenait des voitures de pommes! On en donnait aux vaches, ou j’en vendais. A Noël, il fallait toujours envoyer à Paris une dinde à monsieur Charles avec des fruits. »

Raymond : « Moi j’ai bien failli naître dans le train. Mes parents habitaient à Pont-de-Pany,  les parents de ma mère étaient à Gissey. Alors ma mère a pris le train pour accoucher chez sa mère. Mais le train avait du retard ou je ne sais pas quoi, alors il s’en est fallu de peu! La Guette-au-trou*** n’a pas eu grand-chose à faire! Elle s’appelait Mme Colombo, la sage-femme de l’époque… »

LA GUERRE :

Edith : « Papa s’est fait tuer par les Allemands le 8 septembre 1944. Il passait en vélo, et la balle l’a traversé. J’ai entendu le bruit : « papapapapa ». Les gars ont été 9 à aller le chercher. Ils l’ont mis dans la grange là en bas, il était couché là, sur un matelas, puis il voulait me dire quelque chose mais il ne pouvait pas, il perdait tout son sang. Y avait plus rien à faire.

Les hommes sont tous allés à la grotte de Roche Chèvre se cacher. J’allais tous les soirs à minuit avec un falot et une miche de pain et du fromage.

A 12 ans, papa m’avait appris à tirer une vache, et il a bien fait! Parce que quand il est parti, on en avait trois, alors comment on aurait fait si je n’avais pas su? Je tirais toujours une vache avant de partir à l’école.

On a eu droit à un prisonnier allemand pour venir nous aider. Le Karl était gentil comme tout. Il me disait : «  Editha, partita, moi faire travail! », il m’a même appris à parler allemand avec son petit dictionnaire. Les deux autres qu’on a eu, c’était pas le même genre, des vraies têtes de Boches ! Mais quand même, c’était moi qui leur donnais des ordres, je n’avais que 15 ans! »

Raymond : «  Les Allemands, je les ai eus trois ans à l’atelier (de menuiserie à Pont de Pany). En janvier 1944, des résistants ont tendu une embuscade aux Allemands sur l’ancienne route. Le major Werner a été blessé, alors ils ont raflé tous les hommes de Pont de Pany. Je venais d’avoir 17 ans. Ils nous ont d’abord emmenés à l’hôtel Le Pont-de-Pany, on était une cinquantaine, puis ils en ont emmené vingt à la prison de Dijon. J’y suis resté quinze jours. On pensait qu’on allait passer à la casserole. Mais quand ils ont trouvé les coupables (les résistants de Villy-en-Auxois), ils nous ont relâché. A Villy, ils en ont fusillé quinze, et les autres ont été déportés… »

LES BALS :

Edith : « On s’est rencontrés au bal, avec Raymond, c’est vieux ça!

Les bals, j’y allais avec la Suzanne et la Françoise, en vélo. On s’amusait bien. A l’époque, c’était des bals montés. C’était les Couches, de Pont-de-Pany, qui faisaient les bals et les fêtes dans la Vallée.

Ils mangeaient avec nous quand ils étaient à Barbirey, alors sa femme m’avait dit: « Tu vas aller chercher les chevaux! ». Moi je dis : « Ils sont où ? » – « Dans le pré là-bas! ». Mais c’était les chevaux de bois ! J’étais toute petite…

Couches faisait le musicien, la batterie. Il y avait le Paul Chenvly de Fleurey, qui jouait de l’accordéon. C’était mon copain de valse. Alors quand il jouait, je n’avais plus de cavalier !

Avec Raymond, on dansait surtout la valse.

Raymond : « – C’était ma danse préférée, la valse, mais à l’envers. A l’envers, on la dansait mieux, et c’est bien plus joli !

Edith : « – Moi ça me saoule si on change, on a bien essayé, mais je disais « tiens-moi, tiens-moi, je vais tomber ! » On dansait aussi la rumba, la java, les paso doble, le tango…

Raymond : « – Ah ça, on rentrait toujours à 4h du matin, y avait rien à faire, il fallait toujours fermer le bal !

Edith : « – T’étais pas contre !!           (rires!)

A la r’voyure et à bientou ! »

Merci Edith et Raymond pour ce bon moment dans votre cuisine autour d’une bonne tisane !

*G’nètes : moutons

** « La Bouère » Derepas habitait la maison actuellement de Fidel et Morgane ; elle ne faisait pas partie de la famille de Serge Derepas, et était originaire de Bouhey, d’où le surnom (merci Serge pour cette info!)

***La Guette-au-trou : sage-femme

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