Enfants, nous passions toutes nos vacances à Remilly.
Quand je dis nous, c’est mon frère Francis, mes cousins Jean-Jacques, Michel, Dominique, ma cousine Edith et les pt’iots le Daniel et le dernier de la bande le pt’iot Philippe. Nous venions tous de Paris.
Daniel et moi jouissions d’une certaine impunité pour les nombreuses bêtises que nous faisions. On avait été entraînés par les grands.
Nos vacances se passaient la plupart du temps à bicyclette.
L’exploit était de monter à Sombernon, parties assez plates, parties tortueuses et très raides. Nous étions plus souvent à pied à pousser nos vélos que sur nos selles. La montée de ces cinq kilomètres durait une heure, la descente dix minutes à peine pour retourner à Remilly.
Dans la partie la plus escarpée de notre expédition : un virage très serré. C’était une halte obligée. Les vélos étaient balancés dans le bas côté et nous escaladions le talus couvert d’une végétation rase mais abondante.
Là sous les jeunes pousses rasantes qui recouvraient une terre toujours humide bien que mêlée de graviers, en soulevant avec précaution les feuilles à cause des vipères dont on nous prévenait à tout bout de champ, nous trouvions la récompense de nos efforts : des fraises sauvages !
Alors, nous jurions comme nous l’avions entendu au village en imitant l’accent chantant bourguignon « Crénom » viens voir, il y en plein ici ou j’en ai trouvé une grosse ! Cela nous faisait bien rire !
Une poignée de fraises des bois était un exploit, les insectes ou les limaces étaient passés avant nous.
La récolte faite et engloutie, nous reprenions nos bicyclettes pour continuer à souffler dans la montée.
Une fois ou deux dans l’été, c’était le grand raout à la maison. Nous allions chercher des fraises des bois à La Montagne. Nous avions nos coins vers le télégraphe.
Nous prenions des pots à lait en fer blanc, nous en avions un grand et deux petits, les couvercles retenus par une chainette qui brinquebalaient tout le long du chemin en faisant un bruit métallique singulier.
Les pots bien remplis, c’était l’arrivée triomphale à la maison après avoir coupé à travers champs pour aller plus vite.
L’un de nous était chargé de descendre au « village » chercher de la crème fraiche.
Toute la famille s’installait autour de la table de la salle à manger présidée par ma grand-mère.
Gourmande et ayant un bon coup de fourchette, celle-ci se servait copieusement. Une fois, deux fois… la moitié de notre cueillette y passait, l’assiette à soupe de nouveau vide, elle déclarait avec une voix théâtrale : « Je me sens un peu lourde, je vais prendre une pastille Vichy ».